Une enquête portant sur les imaginaires de l’habiter de la Vallée Longue a été conduite par des membres du Réseau des Territorialistes en mars 2019. Afin d’en dévoiler les imaginaires, cette enquête cherche à renseigner les manières d’habiter la Vallée Longue en passant notamment par une mise en récit des trajectoires de vie de ses habitants. Cela comprend bien sûr les trajectoires résidentielles et professionnelles, mais aussi toutes formes de ruptures et bifurcations liées à la vie personnelle et familiale. Les formes et motifs d’engagement sont également interrogés au prisme des expériences personnelles et collectives du politique.
Nous considérons en effet que les choix de vie sont orientés par des imaginaires, des valeurs, des principes et des croyances qui reposent eux-mêmes sur des expériences situées. Les imaginaires sont éminemment politiques, en ce qu’ils permettent de perpétuer ou de transformer la réalité instituée. Ainsi, enquêter sur les imaginaires, c’est chercher à dévoiler ce qui se joue dans les expériences individuelles et collectives – et notamment ce que ces expériences instituent de radicalement nouveau.
Pistes d’analyse évoquées lors de la restitution des premières données de l’enquête:
Parfois qualifiée d’ « île » du fait de son caractère isolé et préservé, la vallée est présentée comme un refuge pour des personnes qui recherchent le calme et l’éloignement par rapport aux centres urbains. La nature semble être un élément structurant du rapport au lieu – à la fois environnement agréable, mais aussi milieu vivant au sein duquel trouver sa propre place, dans un souci d’équilibre et d’harmonie. Les discours portent aussi beaucoup sur les formes de sociabilité vécues au sein de la vallée. Loin des institutions culturelles, une vie culturelle « sauvage » mais dense s’organise par ces réseaux de sociabilité. Cela signe une réalité plus large : l’envie de se défaire d’institutions dominantes, par une autonomie qui passe par l’action. Malgré des considérations et la défense de causes « universelles », reposant sur une philosophie empreinte d’humanisme, l’enquête révèle la volonté d’un engagement par l’action concrète, dans les limites du milieu écologique connu, pratiqué, habité. Entre partage d’expériences et transmission des savoir-faire, est posée la question du statut des savoirs dirigés vers l’autonomie – mais une autonomie tant individuelle que collective ; elle ne se confond pas avec l’autarcie. Des valeurs communes, de liberté, de coopération, d’entraide et de convivialité orientent cette vision de l’organisation sociale souhaitée.
L’enquête fait état d’une grande méfiance à l’égard du politique institué, qui ne tiendrait pas compte de la spécificité du territoire et dont on ne pourrait attendre de prendre en compte les enjeux qui lui sont propres. Plus largement, un rapport distancié et critique vis-à-vis des institutions de la société urbaine s’établit, du fait de trajectoires qui ont fait l’épreuve de ces institutions. L’écologie est alors structurante dans la bascule qui s’opère de la critique des institutions et de leurs imaginaires à la création d’autres formes-de-vie. L’enquête illustre des conceptions variées voire antagonistes de l’écologie, entre écologie institutionnelle, identifiée comme une écologie urbaine, et écologie située, incarnée dans des pratiques spécifiques au milieu.
Méthode de travail
Outre des temps d’immersion en Vallée Longue et d’observation participante des activités du collectif, l’enquête repose principalement sur la réalisation d’une vingtaine d’entretiens semi-directifs auprès d’habitants. Des critères de sélections particuliers permettent d’assurer une certaine représentation des différentes vagues migratoires, des différents métiers et trajectoires professionnelles, des différentes générations qui peuplent la Vallée Longue, mais aussi de la proximité avec le collectif, incluant des personnes ne connaissant pas le collectif.
Le collectif a été impliqué en amont de la passation des entretiens, dans la construction des thèmes de l’enquête, mais aussi notamment pour aiguiller les enquêteurs dans leur entrée sur le terrain. Ce travail a aussi pour intention de mettre en débat les données recueillies et l’analyse qui en est produite. Ainsi, des temps de retour sur l’enquête – dont un premier, réalisé en novembre 2019, à partir des premières données – permettent de confronter l’analyse aux attentes du collectif et à leurs propres interrogations.
Finalités
Ce travail a pour intention d’accompagner le collectif de la Vallée Longue par le dévoilement d’imaginaires – tant discordants, conflictuels que communs – qui orienteraient les actions et l’identification des visions territoriales souhaitées ainsi que leurs mises en débat.
Par la suite, les imaginaires sur lesquels reposent les manières de vivre dans les Cévennes pourraient être mis en perspective avec d’autres territoires, afin de voir en quoi ces imaginaires peuvent ou non être partagés.